Paul Keegan · Livre des mauvaises fins : nouvelles françaises · LRB 7 septembre 2023
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Paul Keegan · Livre des mauvaises fins : nouvelles françaises · LRB 7 septembre 2023

Jun 22, 2023

Maurice Blanchot​, représenté dans cette anthologie par l'opaque et fascinant « La Folie du jour » (1949), écrit qu'une histoire n'est pas la relation d'un événement mais l'événement lui-même. Il semble vrai que les nouvelles sont souvent moins faciles à résumer que les romans, sans nécessité de peaufinage, ni même d'obligation de fin, et que leur contenu communique souvent autre chose que leur sujet, comme si, à certains niveaux de compression, , la brièveté commence à raconter sa propre histoire. Blanchot avait en tête le récit, l'un des nombreux termes possibles en français, avec conte ou nouvelle ou histoire, ou romance ou chronique ou historiette, ou simplement texte, ou même prose. La nomenclature est révélatrice. Contrairement au roman, la nouvelle n’a pas de canon évident, est pleine d’exceptions, et son histoire officielle semble avoir besoin du réconfort de ces romanciers – Stendhal, Dumas, Balzac, Hugo, Zola – qui se sont essayés au récit.

Cette anthologie est la dernière vitrine nationale de Penguin (des volumes d'histoires italiennes, espagnoles et britanniques sont déjà parus). Il s'ouvre sur un groupe de contes de la fin du XVe siècle, souvent considérés comme les premières œuvres littéraires françaises en prose, qui sont dans une certaine mesure en relation avec une tradition métrique plus ancienne des cycles de contes. Patrick McGuinness propose quelques exemples de coups bas du Moyen Âge, du côté des taprooms : des fabliaux largement obsédés par la bataille des sexes : ébats conjugaux, changements de lit, meurtre du mari. Ainsi, un imbécile se marie sans connaître les faits de la vie et est trompé dans l'exercice de ses devoirs conjugaux ; suivi d'un changement de lit impliquant davantage de duperie (tiré des Cent Nouveaux Contes de Philippe de Laon) ; suivie d'une moralité sur une épouse vengeresse qui assassine et démembre son mari (par François de Rosset). Un exemple plus raffiné de romance (une catégorie trouble), datant d'un siècle plus tard, « Le Noble » d'Isabelle de Charrière, est toujours chargé d'intrigue et sans nuance psychologique. La « Barbe Bleue » de Charles Perrault semble chez elle dans cette entreprise de cartonnage.

Peut-être que tous les contes ne sont pas des histoires courtes. Ces premiers exemples sont rudimentaires quant au motif et à la situation. L'introduction grand angle de McGuinness (la même dans les deux volumes) soutient que la nouvelle littéraire est un genre, mais aussi « juste un brin de récit dans un monde saturé d'histoires ». Cette approche laisse son format en deux volumes distendu mais moins spacieux (tant de terrain à couvrir) que l'Oxford Book of French Short Stories (2002), édité par Elizabeth Fallaize, en un seul volume, qui s'ouvre trois siècles plus tard et partage une demi-douzaine d'entrées. avec l'anthologie Penguin. La progression d’une histoire par auteur suggère un canon en devenir, ou du moins une généalogie, mais McGuinness a en tête des accents plus pluralistes. Il croit également que les histoires sont une continuité avec la vie quotidienne, plutôt qu'avec les personnes de Porlock, comme c'est le cas de tant de bonnes histoires.

Le conte philosophique des Lumières est un point de départ plausible, à mi-chemin entre les débuts de McGuinness et de Fallaize, pour la nouvelle littéraire en France. C’est ici que le lecteur entre pour la première fois dans le cadre, en tant que présence sceptique, et que le narrateur s’établit en tant que voix – et que le commerce entre eux peut commencer. La brièveté acquiert de nouveaux pouvoirs, alliés à la rapidité et à la légèreté. Paul Valéry décrit les contes de Voltaire comme « ces miracles sans égal de rapidité, d'énergie et de fantaisie terrible… des œuvres agiles et cruelles, où la satire, l'opéra, le ballet et l'idéologie se conjuguent dans un rythme irrésistible ». Certains contes de Penguin semblent enfermés dans les mêmes préoccupations que les contes précédents. « Ceci n'est pas une histoire » de Diderot retrace les fortunes parallèles de deux couples malchanceux, chacun impliquant une radicale disparité affective – ce n'est donc pas une fiction, nous dit-on, puisque ce qu'il décrit n'est que trop vrai. Dans "La Comtesse de Tende" de Madame de Lafayette, une épouse infidèle se sacrifie volontairement sur l'autel de l'estime de soi glaciale de son mari aristocratique. Mais cette dernière montre au moins ce qui pourrait être accompli en donnant une forme narrative aux abstractions morales. La Rochefoucauld a appris à Madame de Lafayette qu'un conte doit penser debout et sentir avec la tête. Ses propres maximes sont des exemples de narration condensée. « L'infidélité est toujours oubliée et jamais pardonnée » – Madame de Lafayette – constitue la base de nombreuses fictions libertines au cœur et à la tête capricieux.